Pierre Jacques : CEO de De Bethune

De Bethune relève des défis depuis 2002, quels sont ceux qui vous attendent d’ici 2020 ?

De Bethune doit conserver son indépendance, son esprit, sa vision de l’horlogerie et du design, protéger ses racines sans céder aux chants des sirènes ni préférer la quantité à la qualité ou devenir une marque marketing. Le respect de la tradition et de l’innovation de notre manufacture horlogère nécessite beaucoup d’exigence. L’inspiration du maestro David Zanetta et du génie horloger de Denis Flageollet doivent perdurer, nous ne faisons aucune concession ni en matière de technicité, ni en matière d’esthétisme ou de finition.

 

L’attente des clients a-t-elle évoluée ?

Bien sûr, les clients des marques de niche sont de plus en plus exigeants. Nous sommes dorénavant loin de l’époque où certaines abusaient de leur naïveté et de l’argent facile. Aujourd’hui, les clients se montrent attentifs à la pérennité de la marque, à sa faculté d’assurer un service après-vente dans dix ou vingt ans, à la valeur intrinsèque des produits. Par ailleurs, à partir d’un certain niveau de prix, les clients exigent de l’exclusivité, qu’il s’agisse du design ou du mouvement, qu’ils ne souhaitent pas retrouver ailleurs avec juste quelques modifications cosmétiques. Ces attentes sont légitimes et De Bethune a prouvé pouvoir y répondre depuis longtemps. Notre manufacture a conçu intégralement en interne 19 calibres en 14 ans, et une montre De Bethune s’avère immédiatement identifiable, sans avoir besoin de préciser le nom de la marque sur le cadran. En 2015 nous présenterons d’ailleurs notre premier calibre GMT, alors que de nombreux autres projets en cours verront le jour à court, moyen et long termes. Enfin, les clients expriment un besoin croissant de personnalisation, à laquelle notre manufacture complètement intégrée peut répondre très favorablement, et nous consacrons ainsi  plus de 10% de notre production à des pièces uniques.

 

De quelle nouveauté 2015 espérez-vous le plus de résultats commerciaux ? Et de quelle pièce êtes-vous le plus fier ?

Pour répondre à votre première question, les réactions du marché au lancement de notre premier modèle sport, la DB28GS avec bracelet caoutchouc et boucle déployante dont le prix avoisine CHF 70’000.-, s’avèrent très encourageantes. Il s’agira clairement de notre best-seller. Parallèlement, la DB25 Tourbillon Zodiac nous apporte beaucoup de fierté : il s’agit de l’un de nos plus beaux calibres avec tourbillon à seconde sautante et échappement en silicium, mais surtout le travail de gravure sur le cadran s’avère exceptionnel. Inspiré des techniques de gravures artisanales du XVIIIe siècle, son cadran se compose d’or, d’acier et de titane en révélant des motifs extrêmement raffinés.

 

Est-ce que De Bethune a vraiment besoin de Gaël Monfils 

pour vendre des montres ?

Ni De Bethune n’a besoin de Gaël Monfils pour vendre des montres, ni Gaël Monfils n’a besoin de De Bethune pour jouer au tennis. Il s’agit simplement d’une histoire humaine, se déroulant entre un joueur de tennis passionné de montres, qui aime De Bethune et le fait que la marque se distingue des autres, et qui en retour apprécie cet excellent joueur au jeu complètement différent de celui de ses pairs dans les tournois. C’est une communion d’esprits avant tout, et nous ne sommes qu’au début de ce partenariat. Nous envisageons de développer une pièce avec sa collaboration, dans laquelle notre balancier révolutionnaire en silicium platine avec triple pare-chute pourrait être intégré et soumis à la puissance de frappe de Gaël Monfils.

 

TAG Heuer a déclaré arrêter les recherches sur la haute fréquence, où en sont les travaux de De Bethune sur la résonique ?

Ils se poursuivent bien sûr, et nous continuons à partager le fruit de nos recherches sur ce thème puisque depuis le départ nous publions tous les résultats sur un site consultable par tout un chacun. Le champ d’investigation est large et nous avançons bien, mais de là à fixer un calendrier de production d’un modèle à très haute fréquence bénéficiant de la résonique… Il s’agit de recherche fondamentale, la raison d’être de De Bethune. Denis Flageollet et son équipe explorent constamment de nouveaux horizons. Vous savez, six personnes dont cinq ingénieurs travaillent à plein temps à la R&D, cela représente 10% de nos effectifs de production, c’est un ratio énorme !

 

Avant de rejoindre De Bethune vous aviez dirigé Les Ambassadeurs à Genève, que pensez-vous du métier de détaillant aujourd’hui ?

Ce métier a radicalement changé. En 30 secondes un client peut décider d’acheter sa montre d’un simple clic à Genève, Hong Kong ou New York. Impossible maintenant d’attendre gentiment qu’il passe la porte. Les détaillants doivent se réinventer, proposer un accueil irréprochable et une connaissance horlogère capable de mettre les clients en confiance, sinon, il n’y a plus aucune raison qu’ils s’adressent à eux. Le shopping est devenu mondial.

 

Si c’était à refaire, ouvririez-vous à nouveau votre boutique De Bethune à Genève ?

Plutôt deux fois qu’une ! De Bethune est sans doute la plus grande des petites marques. Notre boutique de Genève se profile à la fois comme un outil de vente et un outil marketing, l’image véhiculée est incomparable. N’oublions pas qu’il faut être présent dans son pays pour être fort à l’étranger. Outre notre production exclusive tournant autour de 350 pièces par an, nos détaillants n’en possèdent rarement plus que dix en magasin. Notre boutique nous permet de montrer l’intégralité de nos collections. Pas plus tard que ce matin, nous y avons vendu la toute dernière pièce de notre série limitée DB28 Aiguille d’Or, qui célébrait la distinction suprême reçue en 2011 au Grand Prix d’Horlogerie de Genève.


Rédacteur en chef des magazines GMT et Skippers dont il est le cofondateur depuis 2000 et 2001, Brice Lechevalier est aussi à la tête de WorldTempus depuis son intégration dans la société GMT Publishing, qu’il dirige en tant que co-actionnaire. Il a par ailleurs créé le Geneva Watch Tour en 2012 et conseille le Grand Prix d’Horlogerie de Genève depuis 2011. Côté nautisme, il édite aussi le magazine de la Société Nautique de Genève depuis 2003, tout en étant membre fondateur des SUI Sailing Awards (les prix officiels de la voile suisse) depuis 2009 et du Concours d’Elégance de bateaux à moteur du Cannes Yachting Festival depuis 2015.

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